2 mars 2017

Pillage du savoir-faire et des données techniques d'une société par un ancien salarié ayant démissionné pour fonder sa propre société

Cour de cassation, Ch. commerciale, 8 février 2017, 15-14.846, Inédit

Délicate est la question des salariés ayant developpé le savoir-faire d'une entreprise et qui fondent par la suite leur propre société (Le salarié peut il être empêché d'entreprendre ?, Entreprises.cci-paris-idf.fr, MAJ 1er mars 2017). Ils ne doivent pas être empêchés de trouver un travail correspondant à leur domaine de compétences. Il sera par contre plus facile de trancher lorsque les salariés conservent par delà la relation de travail des documents provenant de la société qui les employaient - dont des documents confidentiels.

En l'espèce, le contrat de travail d'un salarié ayant donné sa démission pour fonder sa propre société comportait une clause de non-concurrence d'une durée limitée, ainsi qu'une clause l'obligeant à restituer, lors de la cessation de ses fonctions, tous les échantillons, fichiers, documents qui lui avaient été confiés durant sa mission.

Assigné avec la société qu'il a fondé en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme, la cour d'appel rejeta la plupart des demandes de son ancien employeur.

C'est donc sous le visa de l'article 1382, devenu l'article 1240, du code civil, que la Cour de cassation casse l'arrêt des juges du fond. Après avoir relevé qu'il a été découvert, tant sur l'ordinateur personnel de l'ancien salarié que sur ceux de sa société nouvellement fondée, un nombre important de documents provenant de la société dont il était salarié, pour certains de nature confidentielle et qui, en tout état de cause, devaient être restitués, l'arrêt de la cour d'appel a retenu que l'usage fait de ces documents n'était pas établi et que l'intérêt qu'ils pouvaient présenter pour un concurrent ne suffisait pas à démontrer qu'il en était tiré profit.

A tort, pour la chambre commerciale :
"'en statuant ainsi, alors que l'appropriation, par des procédés déloyaux, d'informations confidentielles relatives à l'activité d'un concurrent, constitue un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ".

D'autre part les juges du fond avaient jugé que ce n'était pas la nouvelle société ou son dirigeant qui avait l'obligation de ne pas divulguer les documents et de les rendre, mais l'ancien salarié de la société demanderesse. Pour la Haute juridiction, toujours sous le visa de l'article 1382 devenu 1240 du code civil :
"en se déterminant ainsi, sans rechercher si la société [fondée par l'ancien salarié] ne s'était pas rendue complice de la violation de la clause de secret professionnel souscrite par [ce dernier] qui lui avait transmis ces documents, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".

La Cour invite donc les juges du fond à reconnaitre un acte de concurrence déloyale tout en recherchant la possible complicité de la nouvelle société fondée par l'ancien salarié. Ce dernier se voit confirmer l'ordre de restituer tous supports papiers et informatiques appartenant à la société qui l'employait, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard.  

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