9 août 2014

(France) Proposition de loi relative à la protection du secret des affaires

Après la proposition de loi avortée de 2011 “visant à sanctionner la violation du secret des affaires” s’adressant à la seule voie pénale et qui n’avait pas abouti compte tenu de “ses nombreuses failles” (1), et alors que la proposition de directive sur "la protection des savoir-faire et secrets d'affaires" suit lentement son cours (2), une proposition de loi relative à la protection du secret des affaires a été déposée cet été à l’Assemblée nationale (3). La caractéristique de cette proposition de loi est d’allier cette fois-ci approche civile et approche pénale.
(…) les dispositions existantes laissent la voie civile dans une relative déshérence alors même qu’elle paraît plus adaptée à la vie des entreprises (Voir l’exposé des motifs ci-dessous : [4]). Elle se caractérise en effet par sa souplesse (le plaignant contrôle notamment le déclenchement et le suivi de la procédure), par l’adaptation des sanctions au préjudice subi par la victime et aux avantages indument retirés par l’auteur, ainsi que par la possibilité de procédures confidentielles là où les contentieux sont trop souvent détournés de leur finalité réelle et exploités à des fins déloyales. En ce domaine, il convient de garder en mémoire que l’espionnage peut être légal.
D’ailleurs, dans son avis du 31 mars 2011 sur un projet de loi relatif au secret des affaires, le Conseil d’État exhortait le Gouvernement à envisager l’adoption d’un cadre civil, à l’instar des préconisations formulées par Bernard Carayon dans un rapport de 2003 consacré à la question de l’Intelligence économique.”
La proposition de loi se décline en six articles. Le livre premier du code de commerce est complété par un titre V comportant un chapitre 1er De la définition et des mesures civiles de protection du secret des affaires”,
suivi d’un chapitre 2 “Des mesures pénales de protection du secret des affaires”.

Au titre du premier chapitre notamment, l’on trouvera :
Une définition, trois critères cumulatifs.
L’article 1er de la proposition de loi définit le champ de la protection d’un secret des affaires via l’article L. 151-1 du code de commerce. Les trois critères cumulatifs sont posés en cohérence avec l’accord ADPIC, la proposition de directive et la jurisprudence européenne :
1)  une information non publique.
2) une information à valeur économique (à titre d’exemple, la fragrance d’un parfum ou l’assemblage d’un champagne implique des éléments connus de tous mais dont l’assemblage tenu secret explique le succès du produit).
3) enfin, des mesures de protection “raisonnables” doivent être mis en place, c’est-à-dire d’un niveau adapté au type de secret concerné. A suivre l’exposé des motifs, “la précision « indépendamment de son incorporation » a notamment pour objet de résoudre la difficulté que suscite l’application du délit de vol aux informations dépourvues de tout support et vise donc à éviter que l’application du texte ne se trouve suspendue à la présence d’un support matériel”.

Une faute au sens de la responsabilité civile.
Après que soit posé le principe général de l’interdiction de violer le secret des affaires aux deux premiers alinéas de l’article L. 151-2 du code de commerce, le troisième alinéa qualifie de faute au sens de la responsabilité civile l’atteinte à ce secret. “Par ce biais, une victime peut obtenir réparation dès lors que l’atteinte est établie et qu’un dommage en découle. Cet alinéa dispense de tout élément supplémentaire pour définir la faute, la violation se suffit à elle-même.”
Un recours à la procédure du référé et/ou sur requête non contradictoire en cas d’éléments de preuve suffisants.Des mesures provisoires avant jugement au fond ou conservatoires permettant de réagir immédiatement pourront être demandées auprès du juge (article L. 151-3 du code de commerce).
La réparation.
L’article L. 151-5 permet l’attribution de dommages et intérêts pour compenser les effets négatifs du préjudice subi et aussi pour empêcher un enrichissement sans cause de l’auteur du dommage, “renforçant là encore le caractère dissuasif afin de décourager toute stratégie opportuniste”.

Au titre du deuxième chapitre encadrant le champ pénal, l’article L. 151-8 – I du code de commerce devrait disposer que :
“Le fait pour quiconque de prendre connaissance ou de révéler sans autorisation, ou de détourner toute information protégée au titre du secret des affaires au sens de l’article L. 151-1 du code de commerce, est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.”
Les mêmes peines sont prévues pour la tentative. L’article 6 de la proposition de loi ouvre la possibilité d’un procès à huis clos (nouvel article 400 du code de procédure pénale pour le réclamer).

Suivre le dossier législatif : Rubrique "Où en est-on ?"
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(1) Voir le dossier sur le site du Sénat.
(2) “Prenant en compte (…) également l’existence d’une proposition de directive européenne qui, ayant vu le jour en septembre 2013, incite les États membres à mettre en place des dispositions civiles inspirées du traité ADPIC,(…). Il s’agit aussi de devancer et d’amplifier la transposition de la future directive, dont le calendrier paraît pour le moins heurté. Ce travail d’anticipation permet de ne pas légiférer sans avoir mené, au préalable, une nécessaire réflexion.
(3) Assemblee-nationale.fr/14/propositions.
(4) “En France, la notion de « secret des affaires » n’a pas d’existence juridique stabilisée et de définition uniforme (…). En outre, les dispositions législatives mobilisées de lege lata apparaissent tout aussi lacunaires pour faire sanctionner la violation du secret des affaires et ne sauraient remédier à une évidente carence. Nous citerons, sans prétendre à l’exhaustivité, les délits d’atteinte au secret professionnel (article 226-13 du code pénal), d’escroquerie (article 313-1), d’atteinte au secret des correspondances (article 226-15), de vol (article 311-1), d’abus de confiance (article 314-1), de recel (articles 321-1 et suivants), d’intrusion dans les systèmes informatisés de données (article 323-1) ou d’entrave au fonctionnement de ceux-ci (article 323-2), d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation (articles 411-6 et suivants), de révélation par un directeur ou un salarié d’un secret de fabrique (articles L. 1227-1 du code du travail et L. 621-1 du code de la propriété intellectuelle), de violation des droits de propriétaires de dessins et modèles (L. 521-1) ou des titulaires des brevets (L. 615-1 et suivants)”.

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