2 février 2014

Une photographie, le "Che au béret", des droits d'auteur et une question de compétence

Le "Che au béret et à l'étoile" (ou « Guerillero Heroïco »), célèbre photographie prise à La Havane par le photographe cubain Korda, est l'une des plus reproduites au monde : sur des affiches, tee-shirts, tasses... Mais qu'en est-il de ses droits d'exploitation ? Au vu de son omniprésence, on pourrait croire l'image reproductible à loisir comme étant dans le domaine public. Pas vraiment. Si au début, l'auteur serait resté discret avec pour conséquence de multiples reproductions, à présent, les procès abondent. Le Front National par exemple avait été condamné en 2008 pour son utilisation.

A suivre un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 22 janvier 2014, l'ensemble des droits d'exploitation sur cette photographie, dont l'auteur est mort en 2001, a été cédé par sa fille à la société Legende Global, pour dix ans et à titre exclusif.

Dans cette affaire, la photographie a été reproduite sans autorisation sur un tee-shirt proposé à la vente sur le site internet d'une société américaine. Cette dernière a été assignée en contrefaçon des droits moraux et patrimoniaux d'auteur. La société défenderesse souleva l'incompétence des juridictions françaises au profit des juridictions américaines. L'argument fut accueilli dans un premier temps favorablement par la cour d'appel, selon laquelle il convenait, pour déterminer si les juridictions françaises étaient compétentes, de rechercher si le site en question était accessible en France et destiné au public français. A tort selon la Cour de cassation dans son arrêt du 22 janvier 2014 (n°11-26822, inedit) :
"en statuant ainsi, alors que l'accessibilité, dans le ressort de la juridiction saisie, d'un site Internet commercialisant les produits argués de contrefaçon suffit à retenir la compétence de cette juridiction, prise comme celle du lieu de la matérialisation du dommage allégué, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé."

Il est à noter que la Cour de cassation avait sursis à statuer pour connaître la position de la Cour de Justice des Communautés Européennes à ses questions préjudicielles sur la compétence ratione loci à propos d'une autre affaire (Contrefaçon de droits patrimoniaux d’auteur et compétence territoriale: lorsque seul le critère de l'accessibilité du site suffit, LexGo, 28 janv. 2014). La première chambre civile a donc répondu dans les mêmes termes que dans son arrêt rendu le même jour (n°10-15890) à propos de CD contrefaisants vendus sur Internet.

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