27 juin 2013

Fichiers personnels: quid des fichiers émanant de la messagerie personnelle du salarié intégrés sur le disque dur professionnel ?

Dans un arrêt du 19 juin 2013 (n°12-12138, P+ B), la chambre sociale de la Cour de cassation se penche à nouveau sur la vie privée du salarié au travail et sur l’accès aux fichiers identifiés ou non comme personnels. La question à laquelle la Cour répond est la suivante : quid de la nature des fichiers émanant de la messagerie personnelle du salarié et intégrés sur le disque dur professionnel ?

Un directeur artistique d’une agence de publicité licencié pour faute grave conteste son licenciement. La cour d’appel avait dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif d’un mode de preuve illicite : selon les juges du fond, l'expert mandaté par la société avait notamment accédé aux dossiers et aux fichiers personnels du salarié, ainsi qu'aux courriels échangés entre ce dernier et l'un de ses collègues à partir de leurs adresses électroniques personnelles.

Or, la Cour de cassation relève :
d’une part que “l'expert avait exclu de son rapport les fichiers et dossiers identifiés comme étant personnels au salarié, ce dont il résultait que l'employeur n'y avait pas eu accès,
 d'autre part que des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l'ordinateur mis à disposition du salarié par l'employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu'ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié ”.
Voici donc un précision supplémentaire dans la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle casse l’arrêt de la cour d’appel au visa des articles 9 du code civil (“chacun a droit au respect de sa vie privée”) et 9 du code de procédure civile.
L’intégration sur le disque dur professionnel de messages ou fichiers émanant d’une messagerie personnelle colore ces derniers, sans mention explicite contraire, d’une nature professionnelle présumée…
Ceci est cohérent avec la jurisprudence du 12 février 2013 sur la clé USB (Une clé USB connectée à un outil informatique est présumée utilisée à des fins professionnelles, LexGo). A contrario, ne serait-ce pas présumer aussi que le salarié a droit à tout le moins de traiter des dossiers professionnels sur sa messagerie personnelle ?

Source : Lexbase.fr
Voir aussi : Les documents personnels “numériques” et “papier” du salarié, au centre de nouveaux arrêts de la Cour de cassation, LexGo, 19 sept. 2012.

L’arrêt :
“Vu les articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile ;
Attendu que les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence ; (…)
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que selon le rapport établi le 20 mars 2008 par l'expert mandaté par l'employeur, des messages, se trouvant sur le disque dur de l'ordinateur professionnel du salarié, ont été envoyés à ce dernier sur sa messagerie personnelle entre le 20 février 2008 et le 4 mars 2008 et que par ailleurs plusieurs dossiers et fichiers expressément nommés « perso » ou « personnels » découverts sur le disque dur, ont été exclus du rapport d'expertise ; qu'en dehors de la présence de l'huissier de justice qui s'est borné à assister au retrait du disque dur et à la prise de copie de son contenu, l'expert mandaté par la seule société Y & R, a accédé aux dossiers et aux fichiers personnels du salarié, ainsi qu'aux courriels échangés entre ce dernier et l'un de ses collègues à partir de leurs adresses électroniques personnelles ; que cet accès effectué par un tiers mandaté par l'employeur, en dehors de la présence du salarié qui n'a pas été dûment appelé ou de ses représentants, constitue une atteinte au respect de sa vie privée et de ce fait un mode de preuve illicite ; que dans ces conditions les constatations effectuées par l'expert pour le compte de la société Y & R sont inopposables au salarié ;
Qu'en statuant ainsi, alors d'une part qu'elle avait constaté que l'expert avait exclu de son rapport les fichiers et dossiers identifiés comme étant personnels au salarié, ce dont il résultait que l'employeur n'y avait pas eu accès, d'autre part que des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l'ordinateur mis à disposition du salarié par l'employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu'ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés”.





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire